SUZETTE à la mémoire de Suzanne DEFIS épouse FASOLATO
(Aucune modification n'a été portée au texte originel. Seuls les renvois ont été ajoutés pour faciliter la
compréhension des expressions ou situations locales )
Sessinel : le carillonneur
Le carillonneur successeur de « La Batane » se nommait Jules MONTAURIOL, dit « Séssinel » ou encore « Le julou ». On aurait pu l'appeler l'homme aux sabots car il ne connaissait pas d'autres chaussures, sa femme non plus. Il était aussi le bedeau(1) de l'église mais s'occupait surtout de sonner les cloches. On savait à peu prés l'heure qu'il était dans la journée quand on entendait le « Cloc !-cloc ! » de ses sabots dans la rue. On était au courant des événements joyeux et malheureux de la commune. Il avait sans doute un instinct de météorologue. Quand il travaillait dans son champ et voyait des nuages menaçants il montait vite sur le clocher avec sa femme. Tous deux sonnaient les cloches à toute volée pour dissiper les nuages de grêle. Bénédiction !. En période de Pâques ayant moins de travail il faisait la collecte d’œufs dans chaque maison et il rentrait ses paniers bien garnis. Plus tard, les enfants de chœur ont repris cette visite de la commune.
Sciences Naturelles
Dans les années 39 ? - 40 ? - 41 ? une nuée de doryphores avait envahi les champs de pommes de terre (denrée précieuse et cherchée). Pendant les heures de « Sciences Naturelles » Mme LACOURT(2) nous accompagnait dans le champ d'un agriculteur pour ramasser ces petites bêtes (Je ne sais plus ce qu'elles devenaient). Il était normal de rendre service en s'amusant et en apprenant un petit secret de la vie des insectes.
Effort de guerre des écoliers
Dans les mêmes années nous étions groupées pour tricoter ou faire tricoter des bonnets, écharpes, gants....qui étaient envoyés aux soldats surtout ceux de notre région peu habitués au froid du nord de la France. Il me semble que ces mois d'hiver avaient été très froids.
(1) -Employé laïque chargé d'une manière générale de maintenir le bon ordre dans une église pendant l'office. (2) - Institutrice (professeur des écoles) de l'époque
Le « Peillarot »
On était embarrassé de chiffons ! Pas d'ennui. Le « Peillarot » ( Orthographe à contrôler) (3) venait les chercher. Il s'annonçait en criant : « Pei.......illa.......rot ! Chiffons, pelhòt(4). . Il achetait à bas prix, les tissus indésirables et les revendait pour faire la pâte à papier. Il prenait aussi de vieux vêtements. Il aimait surtout acheter dans les fermes les plumes et le duvet, commerce plus rentable et plus recherché. C'était sa tournée d'hiver après l'exécution des oies et des canards, c'était un plus pour les fermiers car les duvets se vendaient bien. Les fermiers pouvaient garder un peu de duvet pour confectionner un oreiller pour un nouveau né, c'était presque une tradition. Ils ne faisaient pas de mauvaises affaires avec les pelhòts.
Les couturières
Un certain nombre de couturières confectionnait des chemises ou des pantalon. Le travail arrivait chez l'une d'entre elles. Les vêtements étaient coupés et distribués ensuite, suivant les capacités et les affinités. L'une d'entre elles par beau temps venait s’asseoir sur le trottoir assez large de l'épicerie muinie de ses chaises et ses chemises. Elle cousait à la main les boutonnières et le boutons. Venaient la rejoindre quelques voisines avec chaise et ouvrage. Et on parlait de tout et de rien toujours dans la bonne humeur. Le travail était moins « stressant » dirions-nous. La couturière avait un autre souci à une certaine époque ; elle élevait des oisons. Pour les nourrir elle coupait des brassées d'orties au pont de la Campardoune. L’après-midi elle s'installait avec ses herbes, prenait une poignée qu'elle tenait dans une main et taillait de l'autre en petits morceaux. Elle savait prendre les orties pour ne pas se piquer. Elle avait sa provision de canard pour quelques mois..
Coumo me faras m'ouras(5)
« Coumo me faras m'ouras » cette guirlande lumineuse et colorée annonçait l'entrée de la fête, elle invitait à la joie. Les festivités commençaient le samedi soir par une retraite aux flambeaux accompagnée de la musique de Venerque, puis bal, apéritif concert le lendemain. Chacun était réveillé de bonne heure par des fusées bruyantes tirées aux quatre coins du village. Le dimanche la fête battait son plein. Un curieux personnage se produisait au milieu des attractions. Cet homme achetait des tomates et des œufs à l'épicerie. Il les revendait à d'éventuels clients. Au moment choisi, il montait sur quelques caisses et tel un Apollon se faisait bombarder avec tomates et œufs. C'était un moment de rigolade et un moyen pour lui de gagner quelques sous car il n'avait pas payé les munitions bien cher.
(3)– L'orthographe est correcte. (4)- prononcer peyllot désigne les chiffons en général. (5)- Cette citation « Comme tu me feras, je serais » ornait l'entrée des allées du duc de Ventadour pendant la durée de la fête locale.
Célebration des Rameaux..Dimanche 02 Mars 1969
Tous les ans avaient lieu, comme dans toutes les paroisses, la bénédiction des rameaux. Cette année 1969 le père Watrin avait décidé de la fêter à l'extérieur de l'église, sur la place. La cérémonie commencée un léger bruit qui s’amplifie, se rapproche. Et voilà ! Nous voyons arriver lentement au dessus de nos têtes le plus bel oiseau du moment sorti des usines de Toulouse : Le Concorde. Chacun a le nez en l'air. Il fait beau. Nous sommes en admiration. Chacun est rentré à l'église en faisant son petit commentaire. Il n'y a pas eu beaucoup de priants ce jour là.
Une ferme dans le village
Mr MEDALE (6) faisait paître ses vaches à Sous-Roches. Elles rentraient en fin d’après-midi en passant par la rue des Ramparts Coligny où elles laissaient le trop-plein de leurs intestins. Aussitôt après, notre voisine sortait avec son seau et sa pelle et nettoyait la rue. Elle portait le produit de ce travail dans son jardin pour fumer la terre. Plus tard dans la soirée nous allions chercher le lait. Il arrivait tout chaud de l'étable, était filtré et distribué à chacun suivant ses besoins. Il n'y avait pas plus bio, même à certaines époques avec un petit goût de verdure.
La première salle de cinéma (7)
Venerque ne s'est jamais pris pour Toulouse mais avait son cinéma dans la maison occupée maintenant par Mr COUSTOUZY. Les projections avaient lieu une fois par semaine. Les films n’étaient pas des antiquités mais de l'époque, moitié siècle, Tarzan Jean Gabin etc.... C'était une aubaine. Parmi le public, beaucoup ne seraient pas allé cinéma à Toulouse. C'était un plus dans le village. La même salle servait de salle de bal les jours de foire où des jeunes se retrouvaient.
Le mainate de la quincaillerie
Quant on avait besoin d'outillage pour tous les travaux ainsi que d'ustensiles de cuisine on allait à la quincaillerie Tufféry. L'entrée était signalée par un cliquetis de tiges de métal qui s'entrechoquaient. Les affaires faites on se dirigeait vers la sortie où l'on était interpellé ; « As pagat ? ....as pagat(8) ? » Le client habituel reconnaissant le mainate, le saluait. L'autre était étonné.
Une station service au centre du village
Une station service existait dans le village au début des années 1930. Elle était fixée sur le trottoir de l'épicerie BERINGUIER(9) Une seule pompe suffisait à fournir le carburant aux rares voitures qui existaient à Venerque. A la même époque un bus existait pour prendre les personnes de la campagne qui venaient vendre et acheter au marché. L’après midi le trajet se faisait en sens inverse.
(6) Pierre père de Marcel MEDALE (7) Cette salle a existé jusqu'aux environs de 1960 avant de devenir l'atelier d'ébénisterie de M COUSTOUZY (8) T'as payé ? (9) Il s'agit du commerce situé au centre du village. Mr SOUM y a exploité une épicerie à l'enseigne CASINO ; Il précise que la cuve se trouve toujours sous le magasin
La première maison de la presse
Le première maison de la presse était située à l'emplacement actuel du salon de coiffure rue Rémusat (10). Un couple(11) vivait dans une petite maison où il vendait les journaux de l'époque peu nombreux. Le marie était facteur et faisait sa distribution deux fois par jour.
La pâtisserie CAUCAL
La pâtisserie CAUCAL(12) à toujours fabriqué de bons gâteaux dont les plus simples étaient les tartes. Le jour de marché Paule installait la marchandise devant le magasin. Au printemps elle se déplaçait. Elle allait à Clermont-le-Fort et déplaçait son banc, deux tréteaux et quatre planches, sur la petite place à la sortie de l'église. A cette époque venaient les pèlerins des villages voisins, à « Notre Dame des Bois ». A la sortie de la messe chacun se dirigeait vers le banc de la « Caoucalé » (Mme CAUCAL)et se régalait de ses pâtisseries. Les pèlerins pouvaient rentrer après une belle promenade et « uno coquo »
(12) bien digérée.
Inondation de 1952
Le 2 février 1952, une importante inondation a endommagé les maisons de Venerque en bordure de la rivière. En effet l'Ariège a rejoint la Hyse. Les rats qui fréquentaient l'abattoir ont compris qu'ik fallait fuir. Certains ont trouvé refuge au premier étage du bâtiment, d'autre montaient aux arbres. Ils n'avaient pas compté sur Mr CAUCAL qui avec son fusil de chasse s'est chargé d'en exterminer le plus possible. Les eaux en se retirant ont fait le reste.
La prison
La maison actuelle de la musique(14) était la mairie qui, après de grande transformations avait pris la place d'une halle où des marchands ambulants faisaient commerce le jeudi. Dans un coin se trouvait une pièce fermée ; c'était la prison. Car la commune avait sa police de proximité exécutée par le garde champêtre. On y incarcérait les individus ayant quelques petits larcins....(Illisible). Le séjour dans cette geôle était très court. Etait-il persuasif ? On peut en douter. Quelques heures ne lui avait pas donné le temps de réfléchir.
Le mouliniè
Le meunier dit « Le mouliniè » était un homme très occupé, plusieurs fois par an. Il faisait une tournée dans les fermes de Venerque, prenait le grain prét à moudre. Il se rendait au moulin d'Auterive, pour faire le travail. Il le faisait la nuit pour ne pas gêner le travail du moulin. Le lendemain il reprenait sa route pour distribuer la farine obtenue. Il avait de petits moyens mais pouvait engraisser un cochon tous les ans. Ses clients disaient : « A tuat un polit porc en mé la farino què nous a panat » (15)
(10) l'auteur fait référence au salon de coiffure Zanin au 26 grand' rue Rémusat, devenus depuis « Institut Vous Autrement » et SUD.I.COM (11) M et Mme CAMY (12 )Aujourd'hui « Le Petit Merle » 13 Grand-Rue Rémusat, (13) Un gâteau. (14) Maison de la culture (15) Il a tué un joli cochon avec la farine qu'il nous a volée.
Les métiers oubliés
Parmi les Venerquois, beaucoup avaient de petits métiers qui les faisaient vivre. On trouvait : Les tailleurs pour homme, les couturières, les mercières, les tricoteuses, les brodeuses, la repasseuse, la modiste, le sabotier, le cordonnier, le bijoutier, l'horloger, le meunier (dit «lé mouliné »), le matelassier, le bourrelier, les laveuses qui travaillaient dans les maisons ou chez elle et ensuite partaient leur brouette pleine rincer le linge à l'Ariège. Il y avait aussi le rempailleur de chaises, les laitiers, les casseurs de cailloux, les tailleurs de pierres, le fabriquant de caveaux, les forgerons, la scierie, les menuisiers, le charron, l'étameur (L'estamarol) le cordonnier, maçons, plâtriers, le scieur débiteur de planches préparait aussi les cercueils. Le plus vieux métier a été la pêche. Les pêcheurs se sont installés au début du premier siècle de notre ère dans le quartier : Rive d'eau. Pourquoi ce nom ? Parce qu'ils habitaient au bord d'un immense lac. La nature l'a supprimé. On entrait dans le village (inexistant) par cette voie.
Le Marché
Le poissonnier Le jeudi le marché installé sur la place de l'église mais aussi dans la rue principale, du café Laguens, passait en montant presque jusqu'au cimetière, allées du mont Frouzi. Un grand nombre de producteur. Parmi eux le marchand de poissons venant de Grépiac. Il portait sur sa brouette la marchandise et la balance à plateaux. Vente terminée, il mettait le poissons restant prés de la pile du pont de Grépiac pour le lendemain. Il l'avait pêché la veille et avant veille tout le long de l'Ariège dans sa barque circulant de Grépiac à Clermont. Toujours frais. Les bouchers Les bouchers étaient fiers de la viande qu'ils vendaient. Avant l'abattage, ils promenaient la bête dans le village pour montrer sa qualité. Cela ressemblait à une procession au pas lent et mesuré de la bête. Quand ils avaient tué le bœuf ou le veau, ils l'accrochaient devant leur magasin dont les murs de devanture étaient garnis de faïence. A pâques c'était une kyrielle d'agneaux. Plus tard on y a vu des sangliers. Le chevrier De temps en temps passait un chevrier. Il proposait le lait frais de ses chèvres qui l'accompagnaient. Le rémouleur On entend aussi de temps en temps le rémouleur chantant à haute voix : « Couteaux, ciseaux, rasoirs ........ ! »
Confidence
Le patois est quelquefois un peu plus croustillant que le français. C'est ainsi qu'une cliente nous dit : « Sé créséts !, ma bello sor se cambio de cauços cado joun, mé démandi per qué ? »
- traduction : « Vous croirez ! Ma belle-sœur se change de culotte tous les jours,, je me demande pourquoi ? »
Le feu de la Saint-Jean
La nature nous gratifie dans l'année de quelques journées particulières. Par exemple la nuit de la Saint-Jean. Elle se fêtait à Venerque comme dans tous les villages, par un grand feu et des danses. Elle avait lieu dans un champ à Sous-Roches. Fête mi païenne mi religieuse le prêtre était invité et se rendait sur les lieux accompagné de tous les venerquois. Une année quelques énergumènes on trouvé intelligent de barbouiller la figure de Mr l'abbé Gilet avec du noir de charbon de bois. L'année suivante il a refusé d'assister à la fête et les réjouissances de Saint-Jean ont été supprimées.
Un personnage pittoresque
Parmi les commerçants se distinguait le célibataire Marius Lapeyrin. On le reconnaissait à sa ceinture rouge (reliquat de son passage chez les zouaves), son anticléricalisme déclaré. De temps en temps il poussait quelques « coups de gueule » surtout lorsqu'il avait trop bu. La matin il attelait le cheval et la charrette, chargeait la marchandise, prenait sa mère et sa tante. Il vendait des chapeaux, bérets, casquettes. Les femmes proposaient des vestes pantalons, chemises, bonneterie. Tous partaient « faire les marchés ». Le soir le retour était un peu pénible. Le cheval semblait connaître son chemin et les conduisait sains et sauf à Venerque car Marius n'était pas capable de marcher droit. Pendant l'occupation Allemande, les instances de la commune lui ont intimé plusieurs fois l'ordre de se taire pour éviter des ennuis. Jusqu'à sa mort, on le trouvait le soir contre le mur de sa remise récitant des litanies(17).
« Marius tu es foutu !,.... Marius tu es foutu !..... »
Les mêmes recommandations avaient été faites aux propriétaire du café situé à la place du bureau de tabac actuel. Elles élevaient souvent la voix contre les soldats qui venaient jouer au billard chez elles. Par chance, il n'y a eu aucun incident.
Soirées sans télévision
Devant certaines maisons, un banc était installé toute l'année. Dés les beaux jours, les belles soirées, on trouvait le besoin de se rassembler. Après le repas du soir chacun sa chaise ou place sur le banc. On discutait de tout et de rien. Chacun donnait les nouvelles qu'il avait apprises dans la journée vu ses contacts avec les clients, la politique, les événements, les nouveautés étaient abordées. Quelques chamailleries animait tout ce monde. Tout le monde restait d'accord et rentrait pour reprendre le travail tôt le lendemain.(18)
Sécheresse
Notre village a toujours souffert de sécheresses plus ou moins importantes, mais les besoins en eau n'étaient pas tout à fait les mêmes dans le village et dans la campagne. Aussi pendant l'été ( 1942 ou 1943)(19) les paysans n'avaient plus la quantité nécessaire pour abreuver les bêtes. Ils étaient obligés de descendre se ravitailler à Venerque avec les bœufs et charrette, chargée de quelques barriques ou récipients, pour pomper l'eau au bord de l'Ariège. Le trajet durait quelques heures car ils marchaient au pas de leur attelage. Ces déplacements se renouvelaient dans la semaine. Heureusement qu'il n'y avait pas 50 ou 100 vaches dans chaque étable. (17) - Employant le terme litanie Suzette désigne une phrase qui revient en permanence, et non une prière.
(18) - On appelait cela : « prendre le frais » (19) - Il s'agit de l'été 1942